Pouvais-je imaginer dans quelle longue et complexe aventure allait m’entraîner la composition d’autres paroles pour notre hymne « la Marseillaise » ?
Comment aurai-je pu mesurer l’ampleur du travail et des recherches dans lesquelles j’allais naïvement me lancer et me faire engloutir ?
Une réalité historique moins glorieuse, moins flatteuse, allait émerger peu à peu ; loin d’un mythe sacré auquel nul n’a le droit de toucher…
Que dire de ces incroyables visions dans mon sommeil, comme ces milliers de corps nus et blancs portant leurs têtes dans leurs mains, marchant vers moi ? Comme une quête imprescriptible de justice 220 ans après ?
Si les acteurs et les victimes de la folie sanguinaire de la révolution française ont disparu, leurs descendants se livrent aujourd’hui sans le savoir le même combat : pour ou contre ces paroles sanglantes qui hystérisent et divisent tout un peuple et dont l’auteur, Claude-Joseph Rouget de Lisle n’avait jamais imaginé un instant le détournement du sens.
Souvenirs intimes et naïfs
Jamais la question du sens des mots « qu’un sang impur abreuve nos sillons » ne s’était posé à moi… Instinctivement, lors de manifestations sportives, je maintenais ces mots à distance pour éviter de ressembler à ceux qui les hurlaient plutôt que de les chanter.
Comme beaucoup d’entre nous je ne poussais pas la réflexion plus loin. C’était un chant guerrier, héritage de la grande révolution française qui, vu de notre égocentrisme national, éclairait maintenant le monde.
Cet air nous faisait libre, en mettant à bas « l’horrible royauté despotique » qui ne tenait que par ses serviteurs aristocratiques ou déistes trop zélés.
Il y avait bien des mots qui revenaient à ma mémoire…Valmy, l’image de la France « agressée » par l’Europe, ah oui, quelques vagues réminiscences scolaires à propos de la terreur, « des troubles » de la Vendée, etc… Mais bon…Tout se justifiait pour une bonne cause et expliquait les symboles de la république…
D’autres souvenirs intimes et naïfs avaient accompagné mon enfance : ces assiettes rares de l’époque révolutionnaire si précieuses pour mon père, qui trônaient dans la salle à manger familiale ; sur certaines d’entre elles, étaient peints des slogans révolutionnaires : « unissons-nous il est temps », « demain on rase gratis », ou encore « le rasoir national », allusion cynique je le compris plus tard, à la guillotine.
Les grilles de la barbarie
En 2001, traversant la Pologne, j’ai fait un détour par la ville d’Auschwitz, animé au départ par un simple sentiment de curiosité. Je ne suis ni juif ni descendant de résistants déportés, je voulais « VOIR ».
J’ai essayé de comprendre ce qui était posé sur mon chemin : les vestiges de deux camps d’extermination d’êtres humains. Le premier, « artisanal » situé en bordure de la ville vit entrer pour ne jamais ressortir, quelques centaines de milliers d’êtres. Le second, lui, pensé véritablement de façon « industrielle », transforma en fumée noire plus d’un million et demi de mes frères humains… Mais loin des regards de la ville, au service d’une idéologie monstrueuse très préoccupée par la pureté d’une race, d’un sang…
Parler des camps d’extermination de chez nous en France est une chose. Mais sur place, dans ce lieu, ressentir l’Indicible est autre chose. Incommunicable.
J’ai franchi des grilles que chaque être humain devrait franchir pour comprendre que la barbarie est encore présente en chacun d’entre nous, toujours prête à ressurgir sous de multiples formes, comme par exemple sous d’innocents traits d’humour dans nos vies comme les blagues courantes sur la déportation ou les chambres à gaz.
Je ne savais pas que cette visite allait provoquer en moi le début d’un véritable tsunami : un choc dans mon insouciance à vivre.
Chacun ressent les choses librement comme il veut ou il peut ; et ceci est mon témoignage.
La sève dans la tige
Dans les années qui suivirent ce voyage « le sang impur » est venu régulièrement frapper à ma porte, entendez mon esprit. Le bourgeon allait éclore, pressant le pas, j’étais comme poussé par la sève dans une tige…
Graeme Allwright, chanteur et musicien renommé que j’avais accompagné dans une tournée en 1974 dans le sud-ouest de la France en compagnie du père de l’écologie moderne René Dumont, a mis le feu en moi sans le savoir en composant vers 2005, les paroles pacifistes de sa Marseillaise.
Je suis passé le saluer à l’occasion d’un concert qu’il donnait près de chez moi. Quelques jours plus tard, Graeme m’envoyait ses belles paroles écrites de sa main avec un cd pour les jeunes et l’équipe de l’internat que je dirigeais alors.
Je l’avais déjà invité en juin 1989 avec Steve Waring à se produire au Château de La Sablière, afin de célébrer la déclaration universelle des droits des enfants par l’O.N.U. Je n’étais pas peu fier d’avoir obtenu une lettre de soutien signée de la main du secrétaire général de l’époque : Javier Pérez de Cuéllar…
Cependant, les paroles très pacifistes et universelles de Graeme, de mon point de vue, ne pouvaient ignorer, comme elles le faisaient, l’histoire de mon pays. Je me suis donc mis au travail dans une approche très différente.
Sur les traces de Rouget de Lisle, je suis remonté à la source et me suis inspiré de l’affiche censée avoir été placardée en avril 1792 sur les murs de Strasbourg par « les amis de la constitution » (voir le courrier aux archives de Dietrich dans le blog) :
Aux armes, citoyens ! L’étendard de la guerre est déployé ; le signal est donné… Dissipez les armées des despotes… L’éclat de la liberté luira pour tous les hommes. Montrez-vous dignes enfants de la liberté, courez à la victoire… Marchons ! Soyons libres jusqu’au dernier soupir…
Dans ma composition, j’ai conservé le message originel de vigilance contre la tyrannie et rappelé l’idéal de liberté hérité de la révolution particulièrement présent dans cette adresse.
Rentrer dans les mots de l’Histoire
Un couplet et un refrain sont suffisants pour créer un hymne, dans la mesure où ils portent les idéaux hérités de la révolution : la justice, la fraternité, la vigilance envers la tyrannie, l’espoir d’un monde meilleur et surtout le rayonnement de la liberté.Après avoir longtemps hésité, j’ai gardé presque intégralement le premier vers de Rouget de Lisle pour faire le lien avec lui…
Dans un premier temps, j’ai dû essayer de comprendre les paroles du « chant de guerre pour l’armée du Rhin » dans leur contexte historique avant de me lancer dans l’acte sacrilège !
Rapidement, au fil de mes interrogations, j’ai trouvé des paroles marquées au fer rouge par la terreur jacobine révolutionnaire.
En rentrant dans les mots de l’histoire j’en ai découvert les maux innombrables.
J’ai consulté de nombreux ouvrages et, grâce au formidable apport du numérique, une énorme quantité d’archives en France et dans le monde.
Progressivement j’ai découvert une autre histoire qui ne coïncidait plus vraiment avec les « raccourcis » présentés par des générations de gardiens de l’histoire officielle de la République.
J’ai ouvert la boite de pandore qui ne se refermera plus jamais.
Apprendre à penser par soi-même
Au fil des années, il m’a donc fallu tout réapprendre. Tout. D’abord à naître, à marcher, à courir, à penser par les historiens puis, lentement par moi même. Enfin phase délicate, trouver une « nourriture » plus objective, moins formatée par les gardiens des mythes révolutionnaires intouchables.
Puis progressivement me mettre à chercher, analyser, penser par moi-même. Pendant sept années sans relâche, le sommeil venant me surprendre parfois plongé dans les archives, ou à étudier des ouvrages contradictoires les uns des autres.
Une obsession : trouver des sources fiables, dégager « le bon grain de l’ivraie » dans cette forêt amazonienne qu’est « la toile », « le net », où des milliers de perroquets répètent (« copient ») à l’envie les mêmes erreurs sans jamais chercher à vérifier leurs sources.
Dans cette jungle électronique virtuelle, cacophonique et silencieuse, le nombre « de vues » est important car il donne du poids, de la crédibilité à l’événement qui acquiert ainsi une notoriété et devient donc fondé !
Une sorte de nouvelle vérité élaborée par la multitude s’affranchissant de l’effort de la recherche, de la vérification et de la connaissance.
Jamais le monde ne m’est apparu si fragile, en danger et dangereux à la fois. Comme au 18ème siècle les puissants aussi peu concernés par les faibles. Et la capacité de destruction de l’humanité jamais égalée, prête à servir.
L’histoire de la révolution française a inspiré bien des « guides » : Lénine, Staline, Hitler, Mao, Pol Pot, … et d’autres despotes actuels qui parlent encore à la place des peuples.
Les mots qui emprisonnent
Voici la France de 1788 et 1789 : je découvre un paysage qu’on ne soupçonne pas. Une France quadrillée par des milliers de sociétés de pensée, de clubs jacobins, de francs-maçons, qui fonctionnent comme autant de relais efficaces et qui préparent de plus en plus ouvertement le renversement de la monarchie.
1789 à 1791 : au fil des événements la sémantique devient plus précise : ceux qui s’écartent de la pensée des meneurs révolutionnaires deviennent des « ennemis de la volonté générale », ou « des ennemis publics », les leaders s’expriment « au nom de la volonté du peuple », puis progressivement ils désignent les « ennemis de la Liberté », les « suspects » bientôt « les traîtres à la Patrie », etc…
La terreur se profile à l’horizon…
Robespierre va encore plus loin : « …si un citoyen par la notoriété publique est accusé de crime,…la preuve est dans le cœur de tous les citoyens indignés… ».
La stratégie est toujours la même : faire passer les désirs de la minorité agissante et déterminée pour la volonté générale de la nation entière ! Ceux qui n’adhèrent pas, deviennent rapidement « des ennemis du peuple », assimilés à « des réactionnaires »… L’expression « la volonté générale » confisque de fait votre identité, votre propre pensée. Réagir contre c’est courir le risque d’être suspect.
Mais Saint-Just corrige un peu mes observations…: « La volonté générale n’est pas la volonté du plus grand nombre mais celle « des purs » chargés d’éclairer la nation sur ses véritables désirs ».
Tout est dit. C’est de surcroît d’une étonnante actualité.
La surenchère des mots sanglants
Les jacobins révolutionnaires voulaient se servir des « enragés » encore plus extrémistes qu’eux. Finalement ce sont eux qui vont se faire dévorer par la surenchère de leurs propos sanglants, ouvrant la voie à l’organisation concrète du crime : la terreur.
Quand on s’immerge dans la terreur révolutionnaire il faut emporter avec soi du courage pour rester fidèle aux idéaux républicains.
La guerre pour «revivifier le peuple» nous ouvre la Terreur
Octobre 1791 : le pays est las du désordre, des troubles, des manifestations. Après l’échec de sa tentative pour fuir Paris en juin, le roi se soumet scrupuleusement à la constitution. Il propose un important plan de redressement économique, social et d’éducation. Des journaux influents écrivent : « la nation est fatiguée »… Louis XVI surprend le peuple par sa bonhomie. Il regagne le respect, la confiance de toutes les couches sociales qu’il approche. Au regard de cette situation dangereuse les girondins vont surenchérir à l’extrême pour déclarer la guerre et ainsi « revivifier le peuple » qui leur échappe. L’empereur Léopold II l’a très bien perçu : la guerre est avant tout pour les révolutionnaires Français une immense manœuvre de politique intérieure destinée à raviver l’énergie révolutionnaire, entraîner les modérés, les obliger à se radicaliser.
La machine infernale est en route : toute forme de tiédeur ou même d’indifférence sera désormais perçue comme une trahison envers la patrie. Malheureusement Léopold II monarque diplomate et intelligent décède subitement le 1 mars 1792. Son fils François II lui succède et brûle de faire parler le canon…
Robespierre n’est pas partisan de l’aventure guerrière mais s’effacera devant Brissot et ses amis qui enflamment la convention : « il faut la guerre », « la guerre est un bienfait national, elle est sans risques », « la seule calamité serait de ne pas l’avoir »…
Les tendres, les mous, les pacifiques, seront dénoncés comme « suspects » et « déclarés d’arrestation » . Un an après la déclaration de guerre, une loi en précisera même les profils : « ceux qui reçoivent la constitution avec indifférence », « ceux qui n’ayant rien fait contre la liberté n’ont aussi rien fait pour elle », « ceux qui ne fréquentent pas leur section », etc… (Extraits des articles 7, 8, 9, de la loi contre les suspects sur réquisition de Chaumette). Quant aux derniers courageux qui désapprouvent ouvertement ces méthodes ils deviennent des « traîtres à la patrie ».
« Le sang impur des émigrés » associé à celui des soldats étrangers va bientôt « abreuver les sillons ». « Cette partie de la République présente un sol aride… Les allemands (entendez les prussiens, les envahisseurs) s’en souviendront, leur sang impur fécondera peut-être cette terre ingrate qui en est abreuvée... » (discours de Dumouriez devant la convention Nationale le 10 octobre 1792).
A l’intérieur du pays, dès le 2 septembre 1792, commence le massacre des « ennemis intérieurs » : autrement dit des prisonniers politiques des 9 prisons de Paris (les historiens n’arrivent pas à s’accorder mais certainement plusieurs milliers personnes). Beaucoup de prisonniers ont été déclarés simplement suspects, d’autres incarcérés au regard de leurs fonctions, leur lignage, leurs idées, voir même suite à un simple « coup de gueule » devant les méthodes arbitraires des meneurs. C’est le signal donné par Danton sous couvert de la commune de Paris pour inviter les grandes villes de province à faire de même : « la commune de Paris se hâte d’informer ses frères des départements qu’une partie des conspirateurs féroces, détenus dans ses prisons, a été mise à mort par le peuple, actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur des légions de traîtres cachés dans ses murs…Sans doute, la nation entière… s’empressera d’adopter ce moyen nécessaire de salut public… » (circulaire du 3 septembre 1792, avec l’approbation de Danton).
Partout en France résonne la Marseillaise et son refrain « qu’un sang impur… ». Elle enlumine les injonctions meurtrières de Marat (surnommé l’ami du peuple) : « supprimez vos ennemis, achevez vos victimes, visitez les prisons, massacrez les nobles, les prêtres (…) ne laissez derrière vous que du sang et des cadavres ».
Lyon échoue dans sa rébellion en octobre 1793 (« l’étendard flotte sur les murs de Lyon et les purifie » -note de la convention aux armées de l’ouest-). Les représailles seront terribles : la ville de Lyon est décrétée devant être détruite et rayée de la carte de France. Joseph Fouché va faire vider les prisons de la ville et tirer au canon dans la plaine des Brotteaux à bout portant sur les prisonniers entravés, mis dos à dos et garrottés deux à deux, devant les fosses déjà préparées pour eux… Les malheureux survivants seront achevés au sabre. Fouché, parfaitement cynique, affirmera dans un message à la convention : « oui, nous osons l’avouer, nous faisons répandre beaucoup de sang impur, mais c’est par humanité, par devoir… nous ne trahirons point la volonté du peuple ».
Cet homme de l’ombre, ancien prêtre défroqué, calculateur, manipulateur, énigmatique, écrit à cette époque un document fascinant et peu connu : « l’instruction », premier manifeste véritablement communiste de l’histoire dont voici quelques extraits :
« …la révolution est faite pour le peuple ; il est bien aisé de comprendre que par peuple on n’entend pas cette classe qui, privilégiée par ses richesses, a usurpé toutes les jouissances de la vie et tous les biens de la société… Le peuple, c’est surtout la classe immense du pauvre… qui nourrit la société par ses travaux…Vous étiez esclave de la superstition (la religion), vous ne devez avoir d’autre culte que celui de la liberté… Tout homme qui ouvre son âme aux froides spéculations de l’intérêt ; Tout homme qui calcule ce que lui revient une terre, une place, un talent et qui peut un instant séparer cette idée de celle de l’utilité générale… Tout homme qui est au dessus du besoin doit concourir, mettre en commun… Tout homme qui a au delà de ses besoins ne peut plus user, ne peut qu’abuser… Le superflu est une violation évidente du droit des peuples… Tous les hommes ainsi faits, et qui osent se dire républicains, qu’ils fuient le sol de la liberté, ils ne tarderont pas à être reconnus et « l’arroser de leur sang impur »… « Aidez-nous à frapper les grands coups ou vous serez les premiers à les supporter » …
Joseph Fouché (*), tortionnaire de la ville de Lyon avec Jean-Marie Collot d’Herbois, deviendra plus tard ministre de Napoléon Bonaparte puis Duc d’Otrante, la troisième fortune de France !!! … Puis en 1815, ministre de la police du roi Louis XVIII, frère de Louis XVI dont il avait voté la mort le 16 janvier 1793 !
(* le 1er août 1815, Fouchet, pardon le Duc d’Otrante ! l’homme qui détruisait à Lyon en 1793 « les honteux emblèmes du fanatisme et de la superstition » : les tabernacles, crucifix, statues de saints, autels, églises, donnait les hosties aux animaux, posait une mitre sur les oreilles d’un âne lors d’une procession républicaine, etc… Oui cet homme se rendait à l’église ce matin-là pour recevoir en grandes pompes la bénédiction de l’évêque pour son second mariage avec la comtesse de castellane. Contrat de mariage signé par les plus grandes familles nobles de la cour et surtout par son premier témoin : le roi Louis XVIII ! Oui vous avez bien lu, le bourbon descendant de Saint Louis signant de sa main le registre de mariage du meurtrier de son frère !)
Épurer le peuple, le régénérer
Les nouveaux maîtres du pouvoir, dont Robespierre, ont une approche très rationnelle : d’un coté les révolutionnaires, « les purs », et de l’autre, les contre-révolutionnaires, « les impurs », ennemis et traîtres à la nation. Il faut donc « épurer le peuple », faire peur aux hésitants.
Carrier s’en fera l’écho : « Nous ferons un cimetière de la France plutôt que de ne pas la régénérer à notre manière … »
En décembre 1793, la Vendée militairement défaite et totalement vaincue, demande grâce. Le comité de salut public refuse et décide alors en représailles l’anéantissement complet de la population. Les armées révolutionnaires entament au son de la Marseillaise « l’extermination des brigands », entendez : hommes, femmes, enfants, nourrissons, vieillards, anéantissement du bétail, incendie des villages… Billot-Varenne, au nom du comité de salut public adresse une lettre au commandant des armées du nord : « c’est à vous qu’est réservée la gloire d’achever de les exterminer…Frappez simultanément, frappez sans relâche jusqu’à ce qu’enfin cette race impure soit anéantie ».
Fin 1794, Gracchus Babeuf (*) écrit à la page 24 de son ouvrage sur le système de dépopulation de la Vendée : (…) « le moment et l’occasion sont venus de divulguer un immense secret à la France. Hélas ! que n’a-t-il pu être découvert deux ans plus tôt : UN MILLION peut-être de ses habitants descendus dans la tombe vivraient encore »…
(* Opposé à l’idée de propriété individuelle et favorable à une égalité totale et parfaite, il a inspiré entre autre Engels et Marx)
Des dizaines de villages martyrs sont rayés de la carte avec une férocité et une cruauté barbare. Plusieurs dizaines « d’Oradour sur Glane »ou de « Maillé » (en Touraine)… Aujourd’hui encore des charniers sont découverts (Le Mans-2009). Certains auteurs parlent de « génocide vendéen », d’autres « d’erreurs », « de fautes » ou « de crimes », de « dépopulation », d’un « devoir de mémoire »… Etc…
L’existence de tanneries de peau humaine est mentionnée par l’historien Reynald Secher (Vendée : du Génocide au mémoricide) : à Pont de cé sur la Loire, à Étampes… Par ici on fait fondre la graisse des cadavres de femmes pour la mettre en barils, par là, hommes, femmes, enfants, vieillards sont noyés par milliers dans la Loire, rebaptisée cyniquement « la grande baignoire nationale ». Plusieurs témoignages étayent ces faits dès la fin du 18è siècle et cette question est soulevée chez différents auteurs au cours des deux siècles suivants.
Cependant un autre historien, Jean-Clément Martin (Le dossier des peaux tannées de Vendée) relativise et resitue ces actes dans le contexte de pratiques discrètes, plutôt isolées, aux origines anciennes, d’individus ayant agi seul, sans consignes des comités révolutionnaires… Il n’a jamais trouvé de traces qui valident l’existence d’une « commission des moyens extraordinaires » pilotée par Saint-Just à qui ces mots sont attribués :
« on tanne à Meudon la peau humaine. La peau qui provient d’hommes est d’une consistance et d’une beauté (?) supérieure à celle du chamois. Celle des sujets féminins est plus souple mais présente moins de solidité » .
Reynard Secher mentionne clairement la déclaration écrite de Saint-Just adressée le 14 août 1793 à cette commission… Jean-Clément Martin tout en mettant en doute l’existence de cette commission, cite lui aussi cette déclaration en employant au préalable le conditionnel : « il aurait écrit »… induisant un doute sur la fiabilité ou l’existence de ces propos.
Donc Saint-Just a-t-il ou aurait-t-il écrit cela. Il ne s’agit pas d’un simple détail de conjugaison : si cette source est fondée, ce serait terrible pour Saint-Just, cette icône de la révolution… Dans le cas contraire il serait loisible de parler de manipulation contre-révolutionnaire.
Pourtant dans la bibliographie générale existent des allusions et des affirmations relatives à ces tannages de peau humaine et ce dès 1795 : Saint-Just portant des culottes en peau de brigands. S’agit-il de règlements de comptes entre révolutionnaires après l’exécution de Robespierre et Saint-Just ? Devant les mises en accusation du terrorisme jacobin qui montaient de toutes parts, et pour se disculper, n’était-ce pas une façon de désigner les autres comme encore plus mauvais que soi ?
Plusieurs reliures de livres relatifs aux constitutions révolutionnaires conservés en France et à l’étranger, sont fabriquées avec ce même cuir d’êtres humains. Louis-Marie Prudhomme, journaliste révolutionnaire exalté puis repenti, affirme que des culottes en peau humaine ont été portées par des députés lors de la fête de l’être suprême…(histoire générale et impartiale des crimes pendant la révolution Française).
Différents ouvrages et documents mentionnent les atrocités faites aux femmes Vendéennes avec un traitement « spécial » pour les femmes enceintes et surtout aux enfants dans leurs tranquilles villages du bocage.
A Montournais, aux Epesses, et partout sur sa route, le général Amey allume des fours, et brûle vifs femmes (appelées sillons reproducteurs) et enfants (témoignage des commissaires Morel et Carpenty à la convention le 24 mars 1794).
Les « bleus » entonnaient souvent de « leurs mâles accents » la Marseillaise, déclarée l’hymne officiel de la République depuis le procès verbal de la convention du 28 septembre 1792, afin de se donner du cœur à l’ouvrage tant et si bien que les vendéens répondaient de leur côté par un contrafacta de la Marseillaise bien à eux !
Une section de l’armée révolutionnaire, composée par des volontaires « allemands » (sic) et autres étrangers venus de l’Est rejoindre nos armées (acquis aux idéaux novateurs et égalitaires de la révolution française), va refuser de participer aux massacres de la population vendéenne. Certains vont déserter. Parmi eux un de mes ancêtres !
Étranges et terribles « situations inversées » dans l’histoire de ces deux pays européens ! Cent cinquante années séparent le massacre des habitants d’Oradour sur Glane des villages martyrs de Vendée.
Voici un extrait d’une chanson intitulée Carmagnole de la Vendée qui cite la Marseillaise. Elle a été chanté par les soldats républicains combattant en Vendée, renforcés par l’armée dite de Mayence. Chaque couplet est suivi du refrain de la Carmagnole :
Patriotes, réjouissons-nous (bis)
L’armée d’Mayence est avec nous (bis)
Elle est v’nue nous aider
A purger la Vendée… (au refrain : Dansons la Carmagnole, vive le son, vive le son… etc…)
Puisque nous sommes réunis (bis)
Tuons les brigands du pays (bis)
Ne faisons pas d’ quartier,
Tuons jusqu’au dernier… (au refrain…)
Oui dès demain nous commençons (bis)
C’est pour arroser nos sillons (bis)
que le sang des brigands
Va couler à l’instant… (au refrain)
Quand il n’y aura plus de brigands (bis),
Nous nous en irons en chantant (bis)
Au nord et au midi
Tuer nos ennemis… (au refrain) … etc…
La description des tueries collectives d’enfants par les troupes républicaines dans la plaine de Mauves près de Nantes interroge l’insondable barbarie humaine. Aujourd’hui encore nombre de Vendéens refusent de chanter les paroles de la Marseillaise : « l’hymne des exterminateurs ».
A notre époque il existe toujours de nombreux personnages, partis politiques, courants intellectuels, historiens officiels issus de la sphère d’influence du jacobinisme, etc… qui minimisent la dimension dogmatique et gratuite de l’extermination d’un partie des vendéens pourtant planifiée par le comité de salut public à partir d’août 1793.
Le décret-loi voté à l’unanimité par la convention le 1er octobre 1793 est très clair : il demande l’extermination de TOUS les habitants de la Vendée, « de cette race impure qui souille le territoire de la république ».
Au 18ème siècle le terme de « race » n’a pas exactement le même sens qu’aujourd’hui. Il désigne surtout l’ensemble des ascendants et descendants d’un même groupe social, familial, et par extension une population déterminée d’une région voir d’un pays. Ce mot semble parfois plus proche du terme « racine » que du sens contemporain actuel.
Son utilisation pendant l’époque révolutionnaire reste particulièrement péjorative et méprisante pour désigner un groupe ou un individu.
Les paradoxes de Rouget de Lisle, capitaine et poète monarchiste
Les bibliographes de Rouget de Lisle, confirment qu’il a vite été dépassé par l’utilisation et l’impact des paroles de son « chant de guerre pour l’armée du Rhin » initialement écrites dans un contexte précis, pour galvaniser les soldats aux frontières. En aucun cas ces mots ne devaient servir de toile de fond à l’égorgement de français entre eux : du plus grand au plus humble, à cet immense gâchis. Ces paroles nourries par l’expression « qu’un sang impur abreuve nos sillons … » ont aussi résonné le 30 juillet puis le 10 août 1792, lors de l’attaque du palais des tuileries, comme à la mise à mort du roi. La Marseillaise a été baptisée dans le sang, entre français.
L’auteur des paroles de notre hymne républicain a toujours été paradoxalement très engagé en faveur de la royauté constitutionnelle. Il fût profondément affecté par la condamnation de Louis XVI. Son soutien à la monarchie constitutionnelle lui vaut d’être déclaré par Carnot : « infâme et traître à la patrie ». Il doit s’enfuir dans le Jura et se faire oublier quelques temps.
Quelques années plus tard en tant qu’auteur de la Marseillaise, il chercha à se faire repérer par Napoléon Bonaparte ; intrigua mais sans succès. Bonaparte connaissait très bien l’histoire de la Marseillaise. Ses soldats la chantaient en prenant et châtiant pour l’exemple la ville de Toulon restée fidèle à la Monarchie (la population toulonnaise est passée en quelques semaines de 29 000 habitants à 7 000 !!!). Si Bonaparte s’est servi plus tard de la Marseillaise lors de batailles décisives pour galvaniser ses troupes, il restait méfiant à l’égard des paroles de ce chant trop chargé d’ambiguïté. Il lui préférait « le chant du départ ». Assez peu mélomane, il finit par adopter comme hymne les flonflons musicaux du « Salut de l’Empire » extrait d’un air d’opéra de Nicolas Dalayrac (1791), qui offrait comme avantage de ne pas être une arme à double tranchant comme la Marseillaise.
Enfin, sous Louis XVIII, Claude-Joseph Rouget de Lisle salue le retour de la monarchie, et propose d’entrée un nouvel hymne au Roi qui n’eut, à l’instar de ses autres productions, aucun succès.
Voici deux des cinq couplets :
Vive le Roi !
Noble cri de la vieille France,
Cri d’espérance,
De bonheur, d’amour et de foi
Trop longtemps étouffé par le crime et nos larmes,
Éclate plus brillant et plus rempli de charmes.
Refrain : Vive le Roi ! vive à jamais, vive le Roi !
Vive le Roi !
Patrie, honneur, sublimes flammes
Ah ! de nos âmes
Comme jadis soyez la loi
Que la France et son Roi soient heureux l’un par l’autre
De leur commun bonheur va naître enfin le nôtre.
(au refrain)
Puis un chant constitutionnel en 3 couplets dont voici le premier et le troisième :
Dieu conserve le Roi, l’espoir de la Patrie,
Le fils aîné des lys, le rempart de la Loi,
Qu’il fasse le bonheur de la France attendrie,
Dieu conserve le Roi …
… …
Quand le trône debout sur sa base sacrée
Repose soutenu par le peuple et sa foi
Que le Roi soit le nœud de l’union jurée.
Dieu conserve le Roi ! Dieu conserve le Roi.
Le second couplet est de la même facture : il est consternant ! (Qu’il règne heureux longtemps, que sa main paternelle… etc…).
Enfin il serait injuste de passer sous silence une autre de ses composition adressée un an plus tôt, en Janvier 1814 à : « Sa majesté l’Empereur de Russie » et dont voici quelques vers :
Sois le héros du siècle et l’orgueil de l’histoire
Punis de l’Occident l’exécrable oppresseur
Aux Français consolés, fais chérir la victoire
Rends aux Bourbons leur trône, à nos lys leur splendeur…
Oui vous avez bien lu ! C’est renversant, sidérant ! L’auteur de la marseillaise appelle maintenant les tyrans à revenir et à redonner le trône aux Bourbons !!!
Les paroles de notre hymne révolutionnaire écrites par un royaliste ! un vrai ; et ironie de l’histoire, défendues aujourd’hui en partie par les descendants des oppresseurs et opprimés de la terreur…
Le moindre débat, parfois la plus simple interrogation aujourd’hui au 21è siècle, déclenche des réactions agressives, sans distanciation possible avec ces paroles sanglantes. Et ne comptons pas sur les historiens officiels de la République pour remettre le mythe en question. La réponse est pire : les enfants devront apprendre ces paroles incompréhensibles à l’école dès leur plus jeune âge !
Que n’ai-je pas entendu : « ne touchez pas à cela », « vous ne respectez pas nos ancêtres qui sont morts en la chantant », « nous aimons ce sang impur », « nous ne changerons rien pas même un point, une virgule » , « vous voulez refaire l’histoire », « vous n’aimez pas la France » ! , « la liberté ne s’acquiert que dans le sang » ! etc… (voir les archives du blog).
Pourtant chers Français, un torrent sanglant se cache sous ces mots terribles et les ombres de nos ancêtres souffrent encore quand vous entonnez ces paroles…
Français si vous saviez
Le refrain « du sang impur » des paroles de « la Marseillaise » a très souvent accompagné les exécutions sous la terreur, comme les répressions féroces contre les différentes villes et régions qui se soulevaient après l’exécution du Roi. Contrairement aux idées tenaces, ces mises à mort ne concernaient pas uniquement de riches aristocrates arrogants et méprisants ou des nobles fortunés intrigants pour le retour des privilèges. Non, la révolution assassinait ses enfants ! : des gens du peuple, de la petite bourgeoisie, des cultivateurs, des lavandières, des charrons, des servantes, des palefreniers, des commerçants, des avocats, des musiciens, des savants, des humbles curés, des « sans profession »… Ayez la curiosité de consulter sur internet : « les guillotinés de la révolution ». Vous trouverez leurs identités et parfois le motif grotesque de leur condamnation à mort.
Prenez aussi quelques heures de votre vie, allez voir les deux modestes fosses communes du cimetière de Picpus à Paris où 1306 suppliciés de 16 à 90 ans furent entassés pêle-mêle. Les deux seules fosses communes de la terreur révolutionnaires encore conservées à ce jour. La terre fût « abreuvée » chaque soir en grande partie par la guillotine dressée à cinq cents mètres de là, place « du trône renversé », aujourd’hui appelée place de la Nation. Sur les murs de la chapelle sont gravés leurs noms, prénoms, âges, et leurs professions.
Heureusement Robespierre va se perdre lui-même. Le 28 juillet 1794 à 18 heures, place de la Révolution (l’actuelle place de la Concorde) il est mis officiellement fin à la folie « purificatrice » du « vertueux » Robespierre sous les acclamations de la foule…Sa tête est montrée à la population comme celle de Louis XVI !!! Ce soir là, Paris retentit de chants, de cris joyeux, de rires : des instants plein d’alacrité pour saluer la fin d’une immense angoisse collective, mais curieusement il n’est trouvé trace d’aucune Marseillaise !
Le « vertueux » tyran incorruptible, éliminé avec tous les « purs » en quelques jours, la sémantique révolutionnaire perd de sa force : plus de « traîtres de l’intérieur », « d’ennemis de la volonté générale », de citoyens désignés arbitrairement « ennemis de le République, ou du peuple ». En quelques jours les exécutions cessent (sauf à Arras, la ville de Robespierre où la terreur sévira encore quelques mois !).
La jouissance morbide et malsaine, courante à l’époque, à venir regarder (ou toucher, parfois même goûter !) le sang de certains suppliciés (-ées) régresse rapidement.
Avec la mort de Robespierre, de Saint-Just, Couthon, Lebas, Hanriot… et des plus fanatiques révolutionnaires, s’éteint subitement (en quelques jours !) l’enthousiasme pour la Marseillaise abreuvée de « sang impur ». C’est un fait historique relevé par de nombreux chercheurs. Mais elle s’efface brusquement en laissant derrière elle un sillage de sang et de larmes.
Plus le gouvernement révolutionnaire était puissant et solide plus la guillotine s’emballait dans l’ensemble du pays pour « purifier et régénérer » un peuple affamé, manquant de tout (de fin 1793 à fin juillet 1794).
« Ce qui constitue la république, c’est la destruction totale de ce qui lui est opposé ! » (Saint-Just)
Français si vous saviez ce que vous vénérez quand vous entonnez les mots terribles de « la Marseillaise », si vous saviez … La réalité est bien loin du mythe, de l’unique histoire cocardière et patriotique de « la patrie en danger ».
Quand la chanson est belle…
Une autre question se pose à moi : pourquoi les paroles « du chant de guerre » devenues « la Marseillaise » ont fait dès leur apparition l’objet de multiples adaptations ou contrafacta ?
En effet j’ai découvert par le passionnant travail de Hinrich Hudde que les paroles de la Marseillaise ont fait l’objet de 240 contrafacta différents en 2 ans (entre 1792 et 1794), sans compter les versions aujourd’hui disparues… Il faut rajouter à cela encore plusieurs dizaines de nouvelles versions du 19è siècle à nos jours !
Pourtant quand une chanson est belle, il ne vient à l’idée de personne d’en réécrire les paroles ! De mon point de vue, seule la musique a porté ce chant jusqu’à nous. Courant 1792, un septième couplet a été ajouté à la Marseillaise : celui « des enfants » attribué à l’abbé Pessonneaux, prêtre assermenté.
Voici une anecdote extraite d’une des nombreuses biographies sur Rouget de Lisle : en juillet 1830, Rouget de Lisle, dans la misère, recueilli chez son ami Blein à Choisy, demande à l’un de ses invités qui le flattait, quel était son couplet préféré dans sa Marseillaise.
« Le septième » répondit l’homme, « c’est le plus réussi !!! »…
Oser toucher au symbole
D’après Georges Clemenceau (homme politique, radical socialiste, anticlérical, président du conseil à deux reprises…), l’histoire de la Révolution française est « un bloc ». Ombres et lumières confondues. A sa façon il est cohérent quand il affirme devant la chambre des députés en janvier 1891: la révolution française est « un bloc » : « j’approuve les massacres… j’approuve les noyades dans la Loire… les viols… les horreurs de Lyon où l’on attachait les enfants devant la gueule des canons, les égorgement des vieillards… : toute la révolution forme un bloc glorieux » !
De mon point de vue aucune tranche d’histoire dans aucun pays n’est un bloc. Clemenceau reste malgré cela un grand personnage surtout quand il barre la route à Jules Ferry à propos des « races inférieures ».
Mais là, non ! Il est des crimes imprescriptibles qui entachent pour longtemps l’inconscient des générations suivantes, et que seule la recherche de la vérité en regardant l’histoire en face, peut laver.
Depuis des générations, des hommes et femmes illustres ou inconnus ont pris position en faveur de nouvelles paroles pour la Marseillaise.
De nombreux pays ont modifié les paroles de leurs hymnes. La Russie a changé les paroles de son hymne mais en a conservé la musique historique.
Mais ici personne n’ose, tout le monde a peur de toucher à ce symbole, à ce mythe dont la véracité est loin d’être établie.
La musique, dont tous les musicologues ont toujours recherché le compositeur (Navoigille, Edelmann, Grisons, Pleyel…) a de tout temps fait l’unanimité par son côté unique entre tous.
Alors gardons-là.
C’est elle qui nous identifie à l’étranger, et non les paroles chargées de cruauté et du malheur de trop de français.
Le thème de la Marseillaise a été repris dans d’autres pays lors de révoltes populaires. Les paroles étaient adaptées ou transposées pour ces crises. Et là personne ne s’est levé contre l’outrage !
Le ciel ne nous tombera pas sur la tête si nous introduisons à notre tour un peu de fraternité dans notre hymne.
Vous avez dit « fraternité » ? Les paroles de Rouget de Lisle sont-elles fraternelles ?
Historiques certainement… Mais fraternelles absolument pas.
«Le sang impur…» ou le sens dévoyé
Les « guides » de notre révolution (Danton, Saint-Just, Robespierre, Fouché…etc…) ont dévoyé dès le début le vers « qu’un sang impur abreuve nos sillons ». Rouget de Lisle l’a emprunté à Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray (adresse à la nation Anglaise, publié en 1757) et utilisé dans un contexte précis de déclaration de guerre afin de galvaniser nos soldats aux frontières. Les meneurs fanatiques des comités révolutionnaires (appelés aussi « les purs ») vont reprendre partout cette expression pour désigner le sang de tous les opposants (ou déclarés suspects) à l’idéologie révolutionnaire et ainsi justifier tous leurs crimes.
Si initialement « le sang impur… » de la Marseillaise désignait uniquement celui des ennemis extérieurs au pays, rapidement cette expression devenue très populaire dans toute la France en quelques mois, va désigner celui des français : hommes, femmes, enfants, vieillards… Soit toute personne ou tout groupe de « rebelles », suspectés de propos ou d’attitudes contraires aux idées révolutionnaires. Il y a là un glissement de nature paranoïaque. Le sens initial est totalement détourné. Cette allégorie du « sang impur » déjà en elle même terrible, synonyme de guerre totale (nous ferons de l’engrais avec nos ennemis), va se retourner contre des français de toutes conditions, du plus jeune au plus âgé. Le point d’aboutissement est la terreur révolutionnaire de 1793 à 1794. La Marseillaise accompagne les massacres et crimes imprescriptibles, commis « au nom du peuple français sur le peuple Français », individuels et collectifs.
Notre histoire actuelle est toujours prisonnière du mythe de la pureté révolutionnaire.
Nous nous disons libres et paradoxalement sommes entravés par le refrain du sang impur. Il est de fait, interdit de reconsidérer ce mythe sacré de la République. Difficile voir impossible d’affirmer son malaise devant certaines allégories sanglantes que nous sommes sommés d’apprendre aux jeunes enfants.
Il se trouvera toujours un fat pour venir vous expliquer le vrai sens du « sang impur » : « Rouget de Lisle désigne par là le sang des patriotes allant mourir pour la liberté ». Ce contre sens historique très récemment répandu, béant, grotesque, n’effraye aucun historien gardien du mythe et prend aujourd’hui de l’ampleur… (sur le blog voir « lettre aux archives de Dietrich » ).
Affirmer sa position expose à être perçu comme un adversaire de la patrie, pire, trahir les soldats morts pour la France donc mon jeune poilu de grand-père et son frère (voir « nos ancêtres et l’oubli » dans le blog), devenir un individu suspect passible pourquoi pas du tribunal révolutionnaire (« vous avez de la chance qu’il n’existe plus »…sic).
La psychanalyste Hélène Piralian l’exprime remarquablement dans son ouvrage : « génocide, disparition, déni » : « la mort de tous ceux qui sont désignés comme ayant failli à cet idéal étant le seul moyen de maintenir cet idéal en son point de pureté imaginaire extrême ». (…) « L’idéal de pureté devenant alors l’équivalent d’un délire démiurgique de toute puissance se croyant capable de créer un homme nouveau »…
Personne ne veut se charger d’approfondir ce sujet car il est tabou pour nous Français et surtout va à contre courant de l’histoire officielle de la Marseillaise, ce mythe sur lequel repose une partie des fondations de la République.
Maintenant peut-être, comprendrez-vous mieux pourquoi je propose d’autres paroles…
Les autres emblèmes de la République
Regardons enfin notre histoire en face avant de retirer le mot race de notre constitution historique comme cela a été annoncé (preuve que les portes du « tabernacle révolutionnaire » peuvent être ré-ouvertes…).
Combien de fois n’ai-je pas entendu la formule ironique : « tant que vous y êtes, changez les couleurs du drapeau et tous nos symboles ».
Cent et une fois j’ai répondu :
« Les autres emblèmes de la République : Déclarations des droits de l’homme, Devises, Drapeau, etc… éclairent remarquablement nos vies et ne souffrent pas, au regard de l’Histoire, d’une semblable ambiguïté ».
Le jour de Gloire
Quand une aube se lèvera sur les hommes réconciliés avec eux-mêmes comme avec toute la création ce sera enfin «le jour de gloire». Un instant vermeil salué par une immense clameur :
« Hourra, voici l’espoir »
« le chant de la victoire » …
La seule victoire est celle de l’humanité dans l’homme, celle qui fait chanter l’âme des justes comme les sources aux ruisseaux dans l’indifférence et le vacarme du monde.
L’allégorie du « sang pur ou impur » c’est un cauchemar éveillé qui vient légitimer le crime aux faibles d’esprit : « tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme » (Stephan Sweig). Et cela s’appelle un crime.
Ou alors à quoi sert-il de chanter la Fraternité ?
Pour faire semblant ?
Sans armes citoyens, aidez-moi, formons nos bataillons ! Aidons cette belle musique à devenir la lumière du monde, changeons les paroles et rentrons à notre tour dans l’Histoire…
Pierre Ménager
Mai 2014