Lettre ouverte à Monsieur François Hollande, Président de la république : « le sang de la Marseillaise »

(Envoyée par lettre)

Monsieur le Président,

Vous avez le projet de retirer le mot « race » de l’article premier de notre constitution de 1789.
Dans cette perspective notre parlement a banni ce terme de notre législation le 16 mai 2013.
Je souhaite par cette lettre attirer vivement votre attention sur la contradiction entre ce projet et le sens prêté au refrain de notre hymne : les hommes ont le sang  pur ou impur selon qu’ils sont désignés ou non, « ennemis de la liberté ».
Ainsi l’expression qu’un sang impur abreuve nos sillons conforte un fantasme destructeur : il suggère l’existence d’hommes au sang différent dans notre même famille humaine parce qu’opposés par leurs idées.
L’allégorie du sang impur ouvre la porte à toutes les dérives : pourquoi pas aussi en raison de notre taille, de la couleur de nos yeux ou celle de notre peau, de notre chevelure, de notre lignage, de nos croyances…
A chanter la Marseillaise depuis notre enfance, sommes-nous devenus autistes, indifférents au sens de ces mots terribles qui suggèrent de transformer l’adversaire ou l’ennemi, en engrais, en fumure liquide.
Même en les plaçant dans leur contexte historique de déclaration de guerre, ces paroles apparaissent infiniment plus dangereuses que l’utilisation du mot race désignant les différences physiques de notre même humanité.

Dans cet élan historique Monsieur le Président, accepteriez-vous de joindre à votre idée généreuse une modification des paroles de notre hymne ?

Depuis un demi-siècle, des dizaines de pays ont fait ce travail dont l’Allemagne (1991), la Russie (2000), l’Afrique du sud (1997), le Rwanda (2001), l’Autriche (1946), la Suisse (pour 2015), etc…
Les paroles de la Marseillaise ont été écrites à une époque où le mot race n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui : l’allégorie du « sang impur » dès l’époque de sa création portait en elle un ferment douteux. Aujourd’hui les leçons douloureuses du passé et nos connaissances nouvelles doivent nous aider à construire un véritable projet de civilisation humaine.
Ne trouvez-vous pas qu’il est temps de bannir de nos valeurs collectives l’idée qu’il y ait un sang pur ou impur dans l’humanité ?

Monsieur le Président, à partir de mai 1792 et en seulement 3 mois, la Marseillaise a popularisé l’expression « qu’un sang impur abreuve nos sillons.. » dans la France entière sous le vent cocardier et patriotique de la patrie en danger.
L’expression « qu’un sang impur abreuve nos sillons » fut ensuite rapidement récupérée et dévoyée par les meneurs révolutionnaires, lesquels se désignaient comme « les purs ».
Dans l’histoire humaine, de la révolution à nos jours, à chaque fois que des « guides », des leaders de peuples se sont réclamés du paradigme de la pureté ( d’un sang, d’une race, d’un dogme…) ils ont conduit les hommes vers la folie meurtrière ou la barbarie.
Les paroles de la Marseillaise vont ainsi résonner, accompagnant souvent la mort pour un demi million de Français de tous âges et toutes conditions ; des gens souvent modestes déclarés suspects ou rebelles, pour un mot de trop, une inimitié de voisinage, des êtres de tous âges : hommes, femmes, enfants, vieillards… (et il ne s’agit pas ici des émigrés).
A partir du 10 août 1792, ce chant va progressivement devenir un emblème sous la terreur dans les villes et villages de France en complément de « la carmagnole » et du « ça ira ». Son refrain résonnera encore avec l’extermination planifiée et totalement injustifiée de la population vendéenne après la défaite complète de leur résistance armée à partir de décembre 1793.
Initialement conçu comme un chant de guerre national, « le chant au sang impur » va s’inviter dans toutes les représailles révolutionnaires contre les régions « rebelles » : de la Bretagne au Sud-Est de la France… ainsi que pour les villes « insoumises » : Lyon, Toulon, Marseille, Bordeaux, etc… Ce chant trop souvent liée à la guillotine laissera en son sillage du sang et des larmes au grand désarroi de Rouget de Lisle dépassé par l’utilisation de ses paroles.

Aujourd’hui de nombreux Français prennent conscience du sens terrible de ces mots. Certains restent gênés ou silencieux devant des paroles qui tiennent surtout par le poids de l’Histoire mais aussi par l’absence de recherches objectives sur les fondements réels de ce mythe. La dernière réponse institutionnelle (loi du 23 avril 2005) nous oblige à l’inculquer aux enfants dès la Maternelle et le début du primaire sous prétexte de leur apprendre « l’Histoire ».
Enfin la plupart des nombreux Français attachés à ces paroles sanglantes au sens détourné, ignorent leur rôle véritable car le mythe crée au milieu du 19 ème siècle a remplacé la réalité des faits historiques.

Modeste auteur compositeur interprète, je n’ai aucune force, aucun parti pour me soutenir, ne suis attaché à aucune chapelle politique ou coterie particulière.
Mon cœur de Français bat avec ses deux hémisphères indissociables. Le gauche sensible à l’égalité. Le droit à la liberté. Comment sortir de ce dilemme permanent qui condamne la France à l’épuisement, à une lutte fratricide sans fin.

Monsieur le Président, je vous propose d’autres paroles pour cette musique unique entre toutes, des paroles qui n’oublient pas notre devoir de vigilance contre toutes les formes de tyrannie.
Un unique couplet et son refrain aux paroles claires.
Peut-on glisser ce projet au doigt de Marianne ? Le couplet dit « des enfants » dans la Marseillaise n’est pas de Rouget de Lisle, qui s’en préoccupe aujourd’hui ?
Au seuil de ma vie, je vous offre avec respect, ma plus belle espérance.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez croire Monsieur le Président de la République, en mes plus respectueuses salutations.

Pierre Ménager
https://www.uneautremarseillaisepourlafrance.fr/

Nota : Les raisons de mon engagement sont développées sur le site « une autre Marseillaise pour la France ».